« Êtes-vous prêt pour les monstres ? » amorce en chanson le Monsieur Loyal d’une sorte de freakshow raté arrivé dans le petit village de Grubbers Nubbin sans prévenir pour vendre de la frousse… Mais les habitants sont déjà pris d’une peur provoquée par les créations monstrueuses d’un professeur bordélique, enfermées dans un château juché à fleur de falaise. Marchand d’effroi, Fulbert Freakfinder, propriétaire de ce loufoque cirque, y voit une opportunité en or et réussit à convaincre Stitch Head, toute première création du savant fou, de le rejoindre dans ses plans. Cœur tendre aux membres rapiécés, Stitch Head s’embarque donc pour le cirque hypnotisé par le sourire bright de ce bonimenteur de Freakfinder, au nom évocateur.
Les Luxembourgeois de La Fabrique d’Images coproduisent avec Aniventure et Gringo Films productions, cette aventure de monstres écrite et réalisée par Steve Hudson et mettant à l’affiche la voix d’Asa Butterfield (Sex Education). Cette revisite du concept de Frankenstein, logé sur les terres d’Hôtel Transylvanie au rythme de personnages sortis de Monstre et Cie, reprend les lignes du premier volet de la série de livres jeunesses P’tit cousu (Bayard Jeunesse) signés Guy Bass et illustrés par Pete Williamson, pour en réaliser un film dans la lignée du maître Tim Burton faisant du macabre et du monstrueux une joyeuseté cinématographique. Entre un régal de film d’animation contemporain et un bonbon d’humour noir tout public qui sort à point nommé dans la période d’Halloween.
Stitch Head nous amuse de cette monstruosité que nous fait rire tant qu’elle reste au 3e degré. Ici, si les monstres ne sont pas des montres, ils sont supplantés par les humains fidèles à eux-mêmes, voyeurs, perfides, cupides, et tout le reste. Et la leçon, comme il y en a toujours dans le cinéma d’animation, est là dans la simple parabole de « l’habit ne fait pas le moine ». Stitch Head, de son ambition de départ (2019) à sa réalisation finale (2025), devient aussi un symbole en tant que porte-drapeau de l’ancrage européen du cinéma d’animation luxembourgeois. Un rayonnement auréolé par sa présence à Annecy, Mecque absolue du genre. Et ce n’est pas volé tant la direction artistique de Stéphane Lecoq est maitrisée offrant à voir un monde référencé mais singulier dans son identité propre, vrombissant de risible et de poésie à la fois dans sa forme comme son fond.
Jamais à l’abris du produit merchandising dans une période de l’année qui fait vendre sucreries et autres bêtises thématiques, Stitch Head réussit à être plus qu’un film d’Halloween, l’un de ceux qu’on se met avec sérieux dans les mirettes et qui provoque un refuge de 90 minutes lumineux, tendre et monstrueux, évidemment. Stitch Head c’est nous, les oubliés des chapiteaux, pas assez freak pour être applaudis et pas assez normaux pour applaudir. Les monstres de l’entre-deux… Alors, comme le dit le personnage d’Arabella (avec la voix de Tia Bannon en version originale et celle d’Aurélie Biver en luxembourgeois) –, « Go Monsters ! ».