Un mur se dresse devant nous : il barre le chemin, c’est un obstacle que nous contournons pour continuer ensuite, mais sans nous poser de questions. Il peut aussi nous inviter au repos, c’est une halte bienvenue sur notre chemin.
Dans la pièce créée au TNL cependant, le mur nous interpelle. Dans sa création Les murs parlent, Charlotte Escamez, auteure dramatique et metteuse en scène, montre son intérêt pour le rôle de la mémoire et de la transmission. Avec la complicité des comédiennes Eve Gollac et Laure Roldan – initiatrice du projet – le spectateur est entraîné dans un univers onirique pour se rendre compte que les murs, vieilles pierres ou constructions récentes, racontent ce dont ils ont été témoins, de tranches de vie d’une personne, de témoins d’une époque. Ils ont résisté ou ont été détruits.
À voir de plus près, un mur n’est donc pas forcément un obstacle, mais peut être le témoin de vies passées, servir de protection, de refuge, voire de confident. Souvent on y découvre des traces : des mots, des messages, des dessins, des signes mais aussi des trous, des fissures, les murs sont des supports mais aussi des cibles. Ces murs de pierre et parfois de chair sont les témoins d’une histoire non officielle, celle d’hommes qui souffrent et espèrent. Les « déchiffrer », être à leur écoute nous fait découvrir un bout de leur histoire. « Car dire ne le peut un mur. Raconter, oui, si l’on veut bien me lire. »
Sur le vaste plateau du TNL les comédiennes glissent dans le rôle de Face de mur et L’autre Face, elles sont « collées » chacune d’un côté du mur blanc, une construction de cubes déplaçables, qui changent de place au cours du spectacle. Ils nous emmènent du Liban au Luxembourg, en passant par la France, les comédiennes démontent et reconstruisent autrement le mur qui est détruit pour l’explorer, être à l’écoute et sensibiliser le spectateur au vécu du mur, « deviner, inventer, rêver. …Les murs nous rattachent au réel dont nous avons fait du rêve théâtral. »
La scénographie de Michèle Tonteling (qui signe aussi les costumes) s’étend sur tout le plateau du TNL, dévoilant aussi les éléments de la forge, une allusion aux hauts fourneaux de l’ancien bassin minier d’Esch/Alzette, qui est évoqué dans les pérégrinations des personnages, qui investissent toute la surface, poussant le mur du fond de la scène, en plusieurs étapes, jusqu’au bord de scène, où est entassé un tas de pierres côté cour et côté jardin un amas de livres qui renseignent sur des repères historiques.
Certaines scènes baignent dans une douce lumière qui parfois suggère un paysage féérique, les effets de lumière significatifs étant signés Gonçalo Gomes et accompagnent le voyage d’investigation des murs de Face de mur et L’autre face grâce à un tissus de mots, de dessins, de signes, de trous et fissures.
La mise en scène de ce voyage d’exploration des murs prend des tournures très variées sous la baguette de Charlotte Escamez, alternant scènes jouées, voix off, diapositives, déplacements ; certains moments du projet sont mis en relief par la musique et le design sonore, une création évocatrice de Tim Vine.
Les murs parlent s’avère un spectacle étrange et surprenant à première vue, qui nous interpelle sur un sujet, le « langage des pierres », qui embarque le spectateur par le biais de stimulations diverses et en particulier par le jeu engagé, varié et très inventif des deux comédiennes Eve Gollac et Laure Roldan.